Workshop et symposium au Bois de Lutherie - du 30 juillet au 3 août 2024
Le thème 2023 ayant intéressé beaucoup de luthiers, il a été décidé de refaire une édition sur le même sujet, tenant compte des évolutions réalisées durant l’année écoulée par le Pôle Innovation de l’Itemm dirigé par Romain Viala.
Cette formation a été prise en charge par le FAFCEA (Fonds d’Assurance Formation des Chefs d’entreprises artisanales) et coorganisée avec l’ITEMM.
Le programme
Le workshop – 30 juillet au 1er août
- Visite de la forêt du massif du Mont Noir et visite de la scierie
- Rappels de notions de Sciences Physiques, Mécaniques et Chimiques
- Démonstration de mesures, lecture des spectromètres et des interprétations des résultats
- Exercices de mesures sur des poutres de manche et interprétations des résultats
- Anatomie du bois
- Travaux pratiques de reconnaissance des bois.
- Exercices de mesures de fréquences sur les bois de tables. Interprétation des résultats.
Le symposium – 2 et 3 août
- Restitution des travaux effectués durant le workshop
- Présentation des projets du pôle innovation et charme stabilisé
- La mesure et la mise au point de la guitare acoustique
- Les matériaux composites et procédé de stabilisation
- La situation des réglementations
- Projet pilote sur les bois locaux
- Présentation de l’association Envol vert
- Charte de qualité
Mardi 30 juillet - intervenant : Florent Scharwart
Le matin : visite en forêt, présentation du sol et la topologie locale du Jura.
La forêt est principalement constituée d’épicéas, de pins et de hêtres.
Les épicéas de bois de résonances poussent idéalement entre 900 et 1 100 m, sur sol calcaire. Les arbres ont des racines rampantes du fait du sol dur et pauvre en terre. Ils ont besoin d’eau de manière très régulière du fait qu’il n’y a pas de réserve d’eau en terre.
Visite de la parcelle de coupe hiver 2024. C’est une forêt domaniale, donc gérée par l’ONF.
La forêt est gérée en futaie-jardinée, qui préserve l’état le plus naturel possible avec différentes essences de bois, de végétation et d’âge de vie des arbres. Il n’y a pas de plantation.
Florent explique les critères de choix des arbres pour la lutherie, le lieu de pousse sur la parcelle. Si possible les arbres sont choisis dans les « basses », sortent de « trous » favorisant notamment les retenues d’eau.
De nombreux arbres meurent du fait de scolytes. Les scolytes prolifèrent notamment à cause du réchauffement et du manque de prédateurs.
L'après-midi : visite de la scierie Le Bois de Lutherie
Visite de la scierie : explication du chemin de coupe de la grume jusqu’à la fourniture.
Mercredi 31 juillet - intervenant : Romain Viala
Rappels de notions de Sciences Physiques, Mécaniques et Chimiques
> Définitions des termes : masse volumique, densité, rigidité, élasticité, déformation, contrainte, dureté, fréquence, hygroscopie, etc
> Démonstration de mesures, lecture des spectromètres et des interprétations des résultats
> Exercices de mesures sur des poutres de manche et interprétations des résultats
> Paramètres utilisés en lutherie : les éléments propres au bois
Jeudi 1er août - intervenant : Romain Viala
Anatomie du bois
> Rappel des différentes coupes dans le bois : longitudinale, radiale, tangentielle
> Constitution du bois : écorce, liber, cambium, aubier, duramen (bois parfait ou bois de cœur)
> Explications du fonctionnement : le cambium est la partie vivante. C’est là qu’a lieu la division cellulaire. L’eau monte par évapo-capillarité via le duramen. Le bois est composé de 40 % de cellulose, 25 % de lignine, 30 % d’hémicellulose et 5 % d’autres composés
> Explication des structures moléculaires
> Explication de la différence entre bois de printemps et bois d’été
> Ressource pour la classification Phylo-génétique : https://lifemap-fr.univ-lyon1.fr/
> Différences notables entre Arbres Feuillues et Résineux
> Travaux pratiques de reconnaissance des bois. Ressource utile : https://www.wood-database.com/
> Exercices de mesures de fréquences sur les bois de tables
> Interprétation des résultats
Vendredi 2 et samedi 3 août - Symposium
Les participants au workshop ont été rejoints le jeudi 1er août au soir par 4 nouveaux participants pour deux journées bien denses.
Le vendredi matin, Romain Viala a présenté la guitare fabriquée à l’ITEMM avec une table en sapin qu’il avait récupéré du stock du bois de lutherie à la suite du workshop/symposium de l’an dernier. Chacun des participants a pu constater en l’essayant que ce bois fonctionnait parfaitement (malgré les cordes qui n’étaient pas adaptées à une folk) et nous donne une lueur d’espoir dans notre recherche de bois de substitution à l’épicéa qui souffre du changement climatique.
À noter également qu’il est très difficile parfois de dissocier une table en épicéa d’une table en sapin bien sélectionnée. Celle-ci par exemple, nous fait penser à une table en Adirondack.
Romain a également présenté le résultat du travail des mesures participatives lancé l’année dernière et qui a permis de constituer une première base de données des bois testés.
Il a rappelé les éléments et grandeurs mesurées (rigidité, densité, dureté, module spécifique, moment quadratique, coefficient de rayonnement) et leurs intervalles habituels.
Un grand bravo à Julien Lebrun qui a été très productif dans les mesures réalisées par les luthiers.
(Voir en fin de page un lien vers le tableau réservé aux abonnés)
Romain a ensuite présenté ce qu’il faisait à l’ITEMM et notamment le projet BLIV (Projet Bois Locaux et Instruments à Vent) soutenu par France 2030 qui a permis au pôle de valider parmi d’autres essences (hêtre, érable) le charme stabilisé comme meilleure alternative à certains bois tropicaux (notamment pour les touches).
L’exemple du charme stabilisé a impressionné les luthiers présents car ce bois s’imprègne facilement pour le rendre noir comme l’ébène. De plus, la méthode préconisée par Romain est tout à fait accessible en termes de matériel nécessaire et peut donc être mise en place dans n’importe quel atelier de lutherie.
Compte tenu de l’avenir incertain des ébènes à la CITES, cette alternative tombe à point nommé et pourrait également séduire les luthiers du quatuor.
L’après-midi, ce fut le tour de Giuliano Nicoletti de présenter la mesure et la mise au point de la guitare acoustique.
En 1ère partie, il a abordé la théorie de base de l’instrument et des techniques de mesure et d’évaluation de l’acoustique.
En 2e partie, l’atelier de mesure, d’analyse et des tests de tuning a permis aux luthiers de tester leur guitare qu’ils avaient amenée pour l’occasion.
Le samedi matin 3 août a débuté avec Romain qui a abordé les composites à fibres végétales. Il est revenu sur la stabilisation abordée la veille d’un point de vue pratique avec le matériel nécessaire. Il précise que ce procédé peut être réalisé dans n’importe quel atelier de lutherie avec une pompe à vide.
L’après-midi a débuté avec Jacques Carbonneaux qui a présenté l’actualité inquiétante des réglementations qui affectent l’activité des luthiers, notamment CITES et RDUE.
Du côté de la CITES, la prochaine échéance est la Cop 20 qui se déroulera en novembre 2025 avec des possibles nouvelles inscriptions comme les ébènes (Diospyros autres que Madagascar déjà CITES), les acajous africains Sipo et Sapelli (Entandrophragma) et les Padouks d’Asie (Pterocarpus). À cela s’ajoute la forte éventualité d’une demande du Brésil de demander à nouveau l’annexe I pour le pernambouc (Paubrasilia Echinata).
Concernant le RDUE prévu pour fin décembre 2024, Jacques alerte les luthiers d’exiger de leur fournisseurs de bois des factures rédigées en bonne et due forme et de s’assurer que ces fournisseurs se conforment bien au règlement.
Il précise l’importance de réclamer des factures de bois avec le nom botanique de l’espèce et les pays d’origine. En effet, si l’instrument de musique est à ce jour exempté du RDUE et de la CITES (sauf pour l’annexe I), il peut à l’avenir devenir CITES lors d’une prochaine Cop et ainsi mettre les clients guitaristes dans une situation problématique.
D’autre part, Jacques a pu constaté que les luthiers qui exportent leurs fabrications, notamment aux USA, n’étaient pas au courant du Lacey Act, réglementation qui exige de l’importateur une déclaration des bois (quels qu’ils soient) dont les informations sont à fournir par l’exportateur (nom botanique de l’espèce et les pays d’origine).
Ce fut ensuite au tour de Philippe Bouyou de faire le point sur le projet qu’il a engagé auprès de l’ONF dans la récupération des bois locaux.
Il a indiqué qu’il était temps de réfléchir à la vente du bois stocké aux adhérents de l’APLG. Un groupe de travail est proposé pour discuter et mettre en place la suite de ce projet afin de terminer le modèle du projet pilote en Bourgogne-Franche-Comté et de pouvoir le reproduire dans une autre région, avec d’autres luthiers.
Si vous êtes intéressé pour participer à ce groupe de travail, merci de contacter Périne (perine.champagne@gmail.com)
Le hasard faisant bien les choses… parfois, la session 2024 au Bois de lutherie a permis aux participants présents de rencontrer Lucille Duprey qui accompagnait son ami luthier et qui est coordinatrice projet “Au pré de Mes Arbres” de l’association “Envol vert”. L’un des objectifs de cette association est d’accompagner en France, et plus particulièrement dans le Tarn, les agriculteurs dans l’agroforesterie et la gestion de pépinières.
Elle a également abordé une action qui pourrait nous intéresser : GFC ou GFCE, Groupements Forestiers Citoyens et Écologiques. L’objectif est d’acheter, via des associations, des parcelles de forêts afin de les conserver et de les protéger des promoteurs et acheteurs particuliers peu scrupuleux de la biodiversité et d’une sylviculture raisonnée.
Si vous souhaitez en savoir plus : http://envol-vert.org/ – coordinationapma@envol-vert.org
- La journée s’est terminée autour de sujets associatifs avec notamment le sujet de la charte qualité de l’APLG présenté par Julien Lebrun.
Il commence par présenter le bilan de la charte actuelle qui n’a pas rencontré l’engouement de la majorité des membres actifs. Cependant, cette charte ne fait que reprendre la liste des obligations légales qui s’imposent à tout artisan luthier en ajoutant quelques critères éthiques.
Propositions :
- Changement de nom : la Charte qualité deviendrait « Charte d’éthique »
- Suppression des conditions d’attribution. Intégrer la charte dans le règlement intérieur pour tous les membres actifs.
- Envoi de la charte à tous les luthiers actifs (sans obligation d’affichage)
- Suppression de la commission Charte qualité. Si la charte doit être amendée, le CA proposera une modification du règlement intérieur qui devra être validée en Assemblée générale.
- Proposition de la création d’une commission de modération pour régler les litiges clients/luthiers (proposition plutôt refusée dans l’ensemble mais Julien se propose de continuer de le faire)
- Demande d’attestation d’assurance (Responsabilité Civile Professionnelle) lors de l’adhésion ou du renouvellement d’adhésion pour tout luthier installé et en activité.
– Présentation du projet catalogue. Afin d’organiser des prises de photos groupées, Célia Enoc propose son local pour un shooting en plus. Dates et conditions à définir.
– Proposition d’un calendrier photo “les dieux de l’établi” à caractère humoristique… Idée très bien reçue. Dates et conditions à définir !
Et heureusement, on ne fait pas que bosser...
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Le tableau de mesures participatives recense la rigidité, densité, dureté, module spécifique, moment quadratique et coefficient de rayonnement des bois analysés par les luthiers