Bois importé et bois local
Comme nous le montre l’état de santé des forêts de notre planète, la ressource bois, qu’elle provienne de forêts tropicales ou tempérées, devient de plus en plus rare pour les fabricants d’instruments de musique qui sont très mal identifiés dans la filière bois car très peu consommateurs en volume.
Beaucoup de fabricants se détournent des espèces réglementées pour les remplacer par d’autres espèces. L’utilisation des bois locaux est devenue une alternative aux bois tropicaux importés mais malheureusement eux aussi subissent les problématiques liées à la déforestation et aussi à l’industrialisation des bois qui met en danger les essences locales secondaires que nous pourrions utiliser en lutherie.
Abordons plus en détail les bois importés et les bois locaux ci-dessous :
Parmi les réglementations qui impactent nos professions, la CITES ou Convention de Washington, contrôle le commerce international des espèces menacées de la faune, de la flore et donc des bois. Cette convention se base sur le travail d’évaluation de l’état de santé réalisé par l’UICN.
Parmi ces bois, des espèces tropicales utilisées en lutherie comme les palissandres (Dalbergia), les bubingas (Guibourtia), les acajous (Swietenia, Khaya), les padouks (Pterocarpus), les cedros (Cedrela) etc. subissent une exploitation humaine croissante et sont contrôlées par la CITES à travers un système de permis qu’il est obligatoire d’obtenir pour faire un commerce international du bois de ces espèces.
Prise conscience internationale en 2016 lors de la Cop17
Jusqu’à fin 2016, date de la conférence des parties CITES – Cop17, seuls les spécimens de bois sciés (placages et autres) étaient réglementés mais durant la Cop17, toutes les espèces de palissandres (Dalbergia spp. sauf nigra car déjà interdit de commerce) et 3 espèces de bubingas (Guibourtia) ont été inscrites à la CITES par l’ajout des spécimens produits finis, aux spécimens bois. Cela signifiait que le commerce international d’instruments de musique en palissandre ou bubinga allait dorénavant être soumis à des permis CITES. Etaient concernés également les musiciens qui voyageaient avec ces instruments.
Après 3 ans de combat de la part d’une coalition internationale du secteur de la musique dont l’APLG faisait partie au sein de la CSFI, nous avons obtenu lors de la Cop18 d’août 2019, l’exemption “des instruments de musique finis, les parties finies d’instruments de musique et les accessoires finis d’instruments de musique” pour tous les palissandres (Dalbergia spp. sauf nigra car déjà interdit de commerce) et 3 espèces de bubingas (Guibourtia) avec une date d’application au 26 novembre 2019 (14 décembre 2019 dans l’UE).
S’engager activement pour préserver les bois de lutherie et leurs forêts
Cette exemption a été obtenue du fait que l’ensemble de l’industrie des instruments de musique consomme peu de bois en volume par rapport aux autres secteurs de la filière bois. De plus, entre 2017 et 2019, les autorités de gestion CITES dans le monde ont été surchargées par un nombre très importants de permis obligatoires pour le commerce d’instruments de musique pour un volume correspondant de bois infime. Et tout cela pour un impact quasi nul sur la préservation des espèces de dalbergia et de guibourtia.
Cependant et comme nous l’avons exprimé officiellement aux autorités CITES en 2019 et aux 182 pays membres de cette convention, cette exemption ne dédouane pas les artisans, industriels et musiciens de prendre conscience de l’urgence de revoir la gestion d’approvisionnement de la ressource bois utilisée dans la fabrication d’instruments de musique et de participer à toute action qui a pour objectifs :
- de combattre le commerce illégal ;
- de respecter toutes les réglementations existantes ;
- de participer à des projets pérennes de plantations ;
- et enfin d’informer la profession et le public de toutes ces actions.
Photo ci-dessus : La coalition des instruments de musique à Genève lors de la Cop18
De gauche à droite : David Eynck, Paul Reed Smith Guitars; Cindy Squires, International Wood Products Association; Scott Paul, Taylor Guitars; Heather Noonan, League of American Orchestras; Frank Untermyer, C.F. Martin & Co., Inc.; Betty Heywood, NAMM; Jacques Carbonneaux, French Musical Instrument Organization; Fanny Reyre, French Musical Instrument Organization; Michael Jousserand, Confederation of European Music Industries; Rob Garner, Forest Based Solutions; John Bennett, International Association of Violin and Bow Makers; and, Mike Born, Fender Musical Instruments Corporation.
Les réglementations des bois, CITES, RBUE, Lacey Act, etc.
Mêmes si les règlementations ont un caractère contraignant et coûteux pour une entreprise, elles n’en restent pas moins un très bon outil pour lutter contre le commerce illégal et éviter que le commerce international participe à la disparition des espèces.
Qui est concerné par les réglementations des bois ?
Toute entreprise ou personne exploitant, exportant, important, vendant ou achetant du bois ou produits bois. Dans le cas des instruments de musique (en tant que produit bois), les musiciens peuvent dans certains cas être également concernés lorsqu’ils revendent ou voyagent avec leur instrument.
Notre objectif est de vous informer au mieux du fonctionnement et des exigences de ces réglementations afin de vous transmettre ensuite, à vous luthiers, fournisseurs de bois, commerçants d’instrument de musique et musiciens, toutes les informations indispensables pour que vous soyez en règle.
Toutes ces réglementations ont des périmètres d’actions différents :
La CITES – Règlementation internationale du commerce des espèces menacées à l’international dont les bois et produits bois (comprendre son fonctionnement, suivre l’actualité, guides pratiques pour le commerce et le voyage à l’international) – EN SAVOIR PLUS
Le RBUE – Règlement des Bois de l’Union Européenne – concerne tous les bois importés (et quelques produits bois) dans l’UE mais aussi les bois exploités sur le territoire de l’UE (comprendre son fonctionnement, suivre l’actualité, guide pratique) – EN SAVOIR PLUS
Le Lacey Act – loi US, déclaration d’importation de tous les bois (et quelques produits bois) sur le sol US (comprendre son fonctionnement, suivre l’actualité, guide pratique pour exporter aux USA) – EN SAVOIR PLUS
Le projet Leonardo Guitar Research Project
Nous savons depuis des années que les bois issus de nos forêts françaises sont tout aussi performants que les bois tropicaux.
C’est grâce au projet Leonardo Guitar Research Project qui s’est déroulé autour de deux grandes études perceptives en 2014 et 2017, qu’il a été prouvé que les bois non tropicaux peuvent être utilisés pour fabriquer des guitares dont les qualités acoustiques sont égales à celles de leurs homologues tropicales (50 %/50 % de préférence dans tous les tests à l’aveugle).
À ces phases d’études perceptives s’est ajoutée une analyse scientifique basée sur le projet PAFI (Plateforme d’Aide à la Facture Instrumentale) et dirigée par François Gautier et son équipe du Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Maine. PAFI propose la mise en œuvre d’outils d’analyse et de synthèse adaptés à l’étude des instruments.
« Le comparatif effectué porte principalement sur deux caractéristiques acoustiques : la décroissance du son et les composantes acoustiques présentes au tout début du son, c’est à dire dans la phase d’attaque.
Ces composantes, dont la durée de vie est brève, constituent une signature acoustique de la caisse de l’instrument et diffèrent légèrement d’un instrument à l’autre. Ces différences restent globalement faibles et permettent de confirmer que quel que ce soit le bois utilisé (dos et éclisses), il n’y a pas de différences notables dans les instruments testés.
On peut donc être soulagé de constater que la guitare, malgré la restriction croissante des bois tropicaux, est déjà prête à sa propre résilience. »
Le Local Wood Challenge
En 2016 et fort des résultats de la première étude du Leonardo Guitar Research Project , l’association EGB (European Guitar Builders) initie le Local Wood Challenge et propose à ses adhérents de réaliser des guitares avec 100 % de bois locaux (du territoire du luthier) afin de les exposer sur un stand dédié au salon annuel the Holy Grail Guitar Show. Chaque guitare passe devant un jury afin de s’assurer que les critères sont bien respectés et le luthier reçoit alors une plaquette qui labellise l’instrument « Local Wood Challenge ».
Depuis 2018, c’est au tour de l’APLG de proposer son événement Local Wood Challenge au salon de la belle guitare. Des dizaines de luthiers réalisent alors des guitares en bois locaux qui auront un succès auprès du public guitariste qu’il convient de sensibiliser encore et toujours. Lire la FAQ pour participer au LWC.
LOCAL WOOD CHALLENGE APLG – 6EME EDITION DU SALON DE LA BELLE GUITARE – GUITARES AU BEFFROI 2018